Grolleau : cépage oublié ou joyau à redécouvrir ?


13 mai 2025

Le grolleau : un cépage de tradition ancré dans l’histoire d’Anjou

Son nom, qui viendrait du mot "grolle", signifiant corneille en vieux français, évoque sans doute la couleur sombre de ses baies. Le grolleau est profondément lié à l’Anjou et aux Mauges. Il trouve ses premières traces au XIXe siècle et serait issu d’un croisement entre le gouais blanc et le chenin. On le retrouve essentiellement autour de la Loire, mais sa zone de prédilection est sans conteste l’Anjou.

Historiquement, le grolleau a été longtemps utilisé pour produire des vins rosés, notamment les célèbres rosés d’Anjou ou de Saumur. Pourquoi ce succès ? Pour sa vivacité et sa capacité à donner des vins frais aux arômes simples et fruités, parfaits pour une consommation immédiate. Dans les années 1960, au plus fort de son exploitation, il couvrait plusieurs milliers d’hectares et régnait en maître sur certains terroirs.

Mais l’arrivée de nouvelles tendances, associée à une quête de vins plus puissants et concentrés, lui a fait perdre du terrain. À mesure que le cabernet franc gagnait en popularité pour les rouges et que le gamay trouvait sa place pour les rosés, le grolleau est tombé en désuétude. Aujourd’hui, moins de 2 000 hectares lui sont consacrés, un chiffre en constante régression depuis les années 2000.

Un cépage à redécouvrir pour sa fraîcheur et son accessibilité

Malgré son déclin, le grolleau a encore de nombreux atouts à offrir. Il se distingue par son profil aromatique singulier : des notes de fruits rouges croquants comme la fraise, la framboise ou la groseille, parfois agrémentées d’une touche florale. En bouche, son faible niveau de tanins et son acidité marquée lui confèrent une belle fraîcheur.

Longtemps cantonné aux rosés, le grolleau se fait désormais remarquer dans des cuvées de rouges légers. Les vignerons qui croient en son potentiel misent sur sa capacité à produire des vins digestes, peu alcoolisés (généralement autour de 12 %), à contre-courant des vins lourds et opulents que certains consommateurs boudent aujourd’hui. Ces vins trouvent un écho auprès d’une clientèle à la recherche d’authenticité et de buvabilité.

Le grolleau a également l’avantage d’être un cépage précoce et résistant, bien adapté au terroir ligérien. De plus, il joue un rôle capital pour maintenir la biodiversité dans les vignes. Certains vignerons visionnaires voient en lui un allié pour une viticulture plus durable, en harmonie avec les contraintes du changement climatique.

Quelques domaines qui misent sur le renouveau du grolleau

Plusieurs producteurs d’Anjou et d’ailleurs travaillent aujourd’hui à redonner au grolleau ses lettres de noblesse. Voici quelques exemples emblématiques :

  • Domaine Mosse : reconnu pour leur approche naturelle et minimaliste, ce domaine propose des rouges légers issus de grolleau, mettant en avant son fruité croquant et sa finesse.
  • Domaine Bobinet : situé dans la région de Saumur, ce domaine explore le potentiel du grolleau dans des vins tout en délicatesse, souvent vinifiés en macération carbonique.
  • Clos de l’Élu : ce domaine, situé à Saint-Aubin-de-Luigné, produit des cuvées de grolleau rouges et rosés, avec un travail méticuleux de la vigne pour révéler toute la finesse de ce cépage.

Ces vignerons montrent que le grolleau peut être bien plus qu’un cépage “secondaire” et qu’il peut donner des vins de grande qualité, à condition de respecter son identité et de ne pas chercher à l’uniformiser.

Un atout face au changement climatique ?

Le climat évolue, et cela pousse les vignerons à repenser leurs pratiques. Ses maturités précoces et son adaptation naturelle aux terroirs frais en font un potentiel allié face à la hausse des températures. Contrairement à d’autres cépages qui perdent en acidité sous des climats plus chauds, le grolleau semble garder cette tension qui fait sa marque. Cela garantit des vins équilibrés et plaisants, même dans des millésimes particulièrement solaires.

De plus, le grolleau est un cépage vigoureux, capable de s’adapter à diverses situations agronomiques. Certains vignobles expérimentent une conduite en agroforesterie ou en permaculture pour exploiter cette résilience. Ce sont des pistes vertueuses qui pourraient renforcer la popularité du cépage dans les décennies à venir.

Pourquoi le grolleau n’a-t-il pas encore totalement convaincu ?

Malgré ses qualités, le grolleau reste un cépage souvent méconnu, parfois même moqué pour son usage passé dans des productions de masse au profil parfois trop simple. Mais cette image s’efface doucement grâce aux efforts des artisans-vignerons. Il reste toutefois quelques freins à son développement :

  • Une faible ambition historique : beaucoup de surfaces plantées sonnaient autrefois le glas d’une production quantitative, sans valorisation qualitative.
  • La prédominance de cépages internationaux ou mieux identifiés comme le cabernet franc, qui dominent les vignobles ligériens en termes de reconnaissance.
  • Un travail au chai qui demande une attention particulière, car le grolleau supporte mal la sur-extraction ou les élevages trop lourds. Il impose finesse et prudence.

Il est toutefois rassurant de voir de jeunes générations oser expérimenter, avec des vinifications innovantes qui redonnent toute sa place au grolleau sur la scène viticole.

Le pari du grolleau : une force pour l’avenir ?

Alors, le grolleau est-il un vestige ou un atout pour demain ? Les deux, à la fois. Il est un témoin d’une époque où il occupait une place de choix dans les vignobles angevins, mais il peut encore se réinventer grâce aux efforts des vignerons innovants. Sa fraîcheur, sa buvabilité et ses adaptations naturelles en font un cépage du XXIe siècle, capable de séduire une nouvelle génération de consommateurs.

Nul doute que le grolleau, s’il continue de bénéficier d’une approche qualitative et respectueuse, dispose encore d’un bel avenir à raconter dans le verre des amateurs curieux. Alors, pourquoi ne pas lui donner une chance lors de votre prochaine dégustation ?

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